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FISCALITE AUTOMOBILE: ET MAINTENANT? UN ENTRETIEN AVEC LUC BONTEMPS (NOVEMBRE 2004)

En 2003, les recettes que l'Etat a retiré des taxes sur l'achat, la possession et l'utilisation de véhicules a franchi le cap des 10 milliards d'euros. Le seuil symbolique est ainsi atteint. En outre, une révision de la fiscalité automobile avait été annoncée peu avant les dernières élections.

La nouvelle fiscalité automobile devrait promouvoir les véhicules propres et être efficace sur le plan de la politique de mobilité. Nous avons demandé à Luc Bontemps, administrateur délégué de FEBIAC ce qu'il pensait de la réforme annoncée de la fiscalité automobile.

En 2003, les revenus des taxes liées à l'achat, la possession et l'utilisation des voitures ont dépassé la barre des 10 milliards d'euros. A-t-on atteint la limite?
Luc Bontemps: Oui. En effet, c'est le poste accises sur les carburants et TVA sur ces mêmes carburants qui a le plus crû au cours des deux années passées. Outre la hausse des produits pétroliers, le gouvernement a utilisé le système du ”cliquet" pour compenser la réduction progressive des taxes compensatoires sur les voitures diesel entamée en 2004. Il faut savoir qu'une augmentation des carburants de 0,05 euro, représente pour l'Etat une perception supplémentaire, en termes de TVA sur base annuelle de l'ordre de 100 millions d'euros. De même lorsque les accises augmentent. Les coefficients multiplicateurs sont toujours impressionnants puisqu'on parle d'une consommation de carburants annuelle de quelque 9,6 milliards de litres. C'est pourquoi, toute réforme de la fiscalité ne peut s'envisager raisonnablement que dans un contexte budgétaire global neutre. Par ailleurs, les moyens dégagés par la fiscalité automobile ne sont pas suffisamment utilisés pour améliorer le réseau routier et la sécurité routière.

Lors du sommet d'Ostende en mars dernier, le gouvernement a instauré une réduction d'impôt (à partir de 2005) pour encourager l'acquisition de véhicules plus respectueux de l'environnement. N'est-ce pas un pas dans le bon sens?
Luc Bontemps: FEBIAC partage le souci du gouvernement fédéral de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du transport. La diminution des émissions de CO2 de 15% pour les nouvelles voitures durant la période 1995-2003 en témoigne. Nous avons cependant quelques remarques. L’avantage financier de ces mesures ne sera perceptible qu'en 2007 (puisque cela concernera les revenus de 2005), il reste donc à savoir si cela aura réellement un effet tangible. Les limites proposées (105g CO2/km et 115g CO2/km) n’ont aucun lien avec la politique européenne en matière de CO2 dans laquelle les 120 g/km sont mis en avant et il est totalement impensable que les constructeurs harmonisent leurs modèles aux mesures financières belges. Par ailleurs, seules les petites cylindrées pourront profiter de ces incitants fiscaux. Un ménage ayant besoin d’une plus grande cylindrée ne sera de ce fait pas stimulé à opter pour le véhicule le plus économique dans sa catégorie. Seuls les particuliers pourront bénéficier de cette réduction fiscale, tandis qu’en 2003, 46,2% des nouveaux véhicules ont été immatriculés au nom d’une société. Enfin, on réduit la notion de "véhicules propres" à celle de "véhicules économiques" et on ne tient pas compte des autres émissions polluantes, en particulier celles définies dans les normes EURO. En ce qui nous concerne la mesure devrait être en ligne avec la position européenne, soit des émissions inférieures ou égales à 120g CO2/km et répondant à la norme EURO 4.

FEBIAC est d’avis que cette "mise au vert" de la fiscalité automobile doit être envisagée dans un cadre plus large qui nécessite une discussion approfondie. Nous sommes bien entendu prêt à y collaborer activement et à mettre à la disposition des autorités compétentes tout notre know-how en la matière.

Les nouveaux gouvernements régionaux sont formés. En Flandre, il est question d’instaurer une vignette routière forfaitaire en remplacement d’une série de taxes existantes. La Wallonie songe plutôt à une perception kilométrique pour les camions sur les autoroutes. Ce sont des choix fondamentalement différents. Comment faire rimer cela et qu’attendez-vous concrètement de ces mesures?
Luc Bontemps: A court terme, la priorité reste pour nous la suppression de la taxe de mise en circulation (TMC). Dans ce sens, la proposition flamande de remplacer tant la TMC que la taxe de circulation et l’Eurovignette par une taxe unique –qu’on l’appelle vignette routière, taxe de roulage ou taxe de circulation, peu importe– est une piste de réflexion intéressante. Il faut bien entendu que les deux autres régions acceptent d’y adhérer.

En outre, cette taxe doit, selon nous, également être liée à plusieurs critères environnementaux. Pour stimuler l’achat et l’utilisation de véhicules respectueux de l’environnement, le montant de la taxe devrait pouvoir être calculé suivant une échelle progressive en fonction des normes environnementales EURO existantes et de la puissance réelle d’un véhicule (kilowatt au lieu des actuels chevaux fiscaux), ou en d’autres mots le concept du "pollueur-payeur". Ceci ne doit toutefois pas mener pour l’automobiliste moyen à une augmentation de la pression fiscale, et certainement pas si les étrangers doivent eux aussi payer cette taxe pour utiliser nos routes. Une simplification du système de taxation faciliterait aussi, dans une seconde phase, le passage à une réelle variabilisation de la fiscalité automobile, à savoir un report des taxes sur l’achat et la possession d’un véhicule par une taxe par km parcouru. Les plans wallons vont partiellement dans ce sens mais la discussion doit en tout état de cause être menée au niveau européen, afin d’arriver à une harmonisation et d’éviter ainsi les déséquilibres concurrentiels entre les états membres. Le tout, je le répète, sans accroître la pression fiscale sur l’automobiliste moyen. En outre, l’industrie automobile a déjà amplement démontré, avec succès, qu’elle considérait la lutte contre l’effet de serre comme une priorité absolue. A cet égard, le diesel constitue un exemple parfait, puisque les émissions de CO2 des nouvelles voitures utilisant ce carburant sont passées de 180 g/km en 1995 à 154 g/km en 2003, soit une réduction de 14,4% (Respectivement de 192 g/km à 167 g/km pour l'essence, soit -13%). Nous insistons dès lors également pour que l'on ne prenne pas de mesures pénalisant les voitures diesel.

Nous réitérons ici notre volonté de collaboration pour la mise au point de propositions concrètes en matière de révision de la fiscalité automobile. FEBIAC a confiance en l'attention que nos nouveaux dirigeants voudront bien apporter à ce sujet et se propose de collaborer de manière constructive avec eux à la mise au point d'une fiscalité automobile efficace et garante des attentes de notre société.

‘’Les recettes générées par la fiscalité automobile sont trop peu utilisées pour améliorer le réseau routier et accroître la sécurité routière’’

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