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INTERDICTION DU CRUISE CONTROL DANS LES CAMIONS: SENS ET NON-SENS (12/2003)
Suite à diverses collisions en chaîne avec des camions sur certaines autoroutes, plusieurs parlementaires ont à plusieurs reprises demandé ces derniers mois que l’on interdise l’utilisation ou l’installation du Cruise Control (CC) dans les camions. Cette technologie contribuerait en effet à la survenance et/ou à la gravité de tels accidents.
Pour interdire l’utilisation du CC
sur le territoire belge, le code de la route doit être adapté de
manière à ce que les chauffeurs qui entrent en Belgique soient informés
de leur obligation de couper leur CC. Il faudrait pour cela prévoir à
chaque passage frontalier un panneau de signalisation spécial repris dans
le code de la route, placé judicieusement et compréhensible pour
tout le monde.
Dans le cas de la proposition Ansoms, il est même question d’interdire
l’installation du Cruise Control dans toutes les catégories de
véhicules (proposition de loi doc 51 0138/001, 31 juillet 2003).
Arguments des partisans d’une interdiction
du CC
L’utilisation du CC engendre une conduite trop passive. L’attention
et la vitesse de réaction se relâchent et le réflexe de
freiner devient plus lent. Il devient encore plus facile aux chauffeurs de poser
les pieds sur le tableau de bord. En outre, de précieuses minutes se
perdent lors de la désactivation du CC.
Les chauffeurs perdent le contrôle actif de leur vitesse, ce qui donne
souvent lieu à des réactions tardives à l’approche
de trafic ralenti et à l’arrêt. C’est souvent ainsi
que des camions emboutissent des files, avec toutes les conséquences
désastreuses qui en résultent. L’absence de traces de freinage
sur le lieu de l’accident renforce le soupçon que le CC était
activé, prétendent les partisans.
Réaction et point de vue de FEBIAC
La relation entre CC et accidents n’est pas prouvée
A notre connaissance, il n’existe à l’heure actuelle
aucune étude établissant un lien entre le CC dans les camions
et les collisions en chaîne, pas plus que des études prouvant que
le CC a permis d’éviter des accidents. Le CC a en effet pour fonction
de restreindre les écarts de vitesse entre les camions, ce qui précisément
bénéficie à la sécurité routière.
Prétendre que désactiver le CC fait perdre de précieuses
secondes est totalement faux: une seule pression sur la pédale de frein
suffit à couper le CC.
Le fait que le CC activé permette de poser également la jambe
droite sur le tableau de bord n’est pas tant imputable à la présence
du CC qu’au comportement de conduite irresponsable du chauffeur. Il faut
plus qu’une interdiction du CC pour ramener cette minorité de cow-boys
à de meilleurs sentiments. Il suffit d’ailleurs de prendre place
derrière le volant d’un camion pour se rendre compte qu’une
telle manière de s’asseoir est peu confortable.
Une utilisation normale du CC n’allongera certainement pas le temps de
réaction, bien au contraire. Un chauffeur professionnel et expérimenté
garde le pied droit à proximité de la pédale de frein,
de manière à pouvoir réagir rapidement en cas de danger,
et même plus rapidement que s’il enfonce avec son pied la pédale
de gaz.
Beaucoup de questions n’ont à ce jour pas encore trouvé
réponse:
- Pourquoi de tels accidents se produisent-ils presque toujours aux mêmes
endroits, en l’occurrence à hauteur de travaux routiers? La signalisation
y était-elle logique et claire, y compris pour des chauffeurs étrangers?
- Le CC des véhicules était-il réellement enclenché
au moment de la collision? L’absence de traces de freinage sur le lieu
de l’accident ne constitue en tout cas pas une preuve concluante: le
système ABS, dont la plupart des véhicules sont équipés,
empêche justement les roues de déraper durant le freinage;
- De tels accidents se produisent-ils aussi à l’étranger
(NL, F, D, A), où circulent cependant les mêmes camions;
- Dans quel état se trouvait le véhicule, quelle était
la condition physique et mentale du conducteur, les temps de conduite et de
repos étaient-ils respectés?;
- N’y a-t-il pas d’autres points noirs, comme l’utilisation
du frein moteur non relié aux feux de stop?
Bien des questions donc, qui exigent une étude approfondie des causes
de ces accidents tragiques.
Le CC est plus qu’un simple régulateur
de vitesse
Le CC est écologique
L’utilisation du CC est plus écologique et plus économique
(jusqu’à –20%) du fait que l’on roule à une
vitesse constante. Ceci est important, surtout si l’on roule avec un camion
à pleine charge. Il faut pas mal d’énergie et donc de carburant
pour amener un camion à la vitesse souhaitée ou pour la ralentir.
Là où sans CC l’on doit parfois donner plus de gaz pour
maintenir la vitesse limite de 90 km/h, le CC dose la puissance et évite
la consommation superflue de carburant. C’est pour cette raison que le
gouvernement néerlandais octroie des primes pour l’installation
du CC (voir aussi http://www.hetnieuwerijden.nl).
Le CC accroît le confort de conduite et facilite la conduite
Le CC augmente le confort de conduite et facilite la tâche du chauffeur
sur divers plans:
- durant les trajets sur longues distances, l’on peut étirer
un instant la jambe fatiguée ou ankylosée sans perte de vitesse;
- sur les routes à vitesse limitée, l’on peut régler
le CC en conséquence sans devoir à tout moment surveiller le
compteur de vitesse. Le chauffeur peut ainsi reporter toute son attention
sur le trafic sur la route.
- lors de la descente de (fortes) déclivités, le CC maintient
la vitesse programmée du camion en réglant le régime,
de manière à ne pas devoir freiner.
Le CC n’est pas seulement utilisé durant la conduite
Sur les véhicules à commande électronique du moteur,
le CC doit également être utilisé pour la commande de différentes
machines montées sur le camion (applications PTO, Power Take Offs). Pensons
par exemple aux bétonneuses, aux compresseurs, aux treuils, aux pompes,...
C’est ainsi que le moteur d’un camion-citerne commande la pompe
qui transvase de la citerne toutes sortes de liquides (du mazout par exemple).
Le CC fait en sorte que le moteur maintienne son régime pour l’approvisionnement
de la pompe en énergie, de manière à ce que le chauffeur
puisse quitter sa cabine pour commander l’installation-citerne. Sans CC,
deux hommes seraient nécessaires: l’un pour garder la pédale
de gaz enfoncée, l’autre pour commander l’installation-citerne.
Doutes quant aux possibilités de maintien
d’une interdiction d’utilisation
L’on peut se demander si une interdiction d’utilisation a réellement
un sens. L’on peut difficilement établir de manière probante
qu’un chauffeur a utilisé le CC, même à l’aide
du tachygraphe. Celui-ci enregistre la vitesse à laquelle roule le véhicule.
Si celle-ci demeure constante pendant un long moment, cela ne veut pas encore
dire pour autant que le CC était activé:
- du fait de leur limiteur de vitesse, les camions maintiennent pendant longtemps
une vitesse constante de 90 km/h;
- des chauffeurs professionnels et expérimentés peuvent durant
un long moment maintenir la même vitesse sans activer le CC.
Une vitesse constante peut donc être obtenue tant par le limiteur que
par le CC ou un chauffeur expérimenté. Apporter une preuve formelle
de l’utilisation du CC est donc quasiment impossible.
L’interdiction d’installer un CC
est inacceptable
Les autorités belges ne peuvent interdire l’installation du CC
que sur des camions belges. De grandes entreprises internationales de transport
peuvent facilement contourner cette interdiction en faisant immatriculer leurs
véhicules à l’étranger. Ceci pourrait à terme
s’avérer très défavorable du point de vue économique
pour les importateurs belges et leurs réseaux de distribution. Les transporteurs
belges doivent dans un marché européen du transport être
traités sur le même pied que leurs concurrents étrangers.
FEBIAC estime par conséquent que toute adaptation de la réglementation
technique doit se faire au niveau européen. L’homologation par
type européenne existe depuis 1996 pour les voitures. La Commission a
récemment fait une proposition visant à étendre l’homologation
par type harmonisée à d’autres catégories de véhicules.
La proposition Ansoms veut toutefois faire marche arrière, ce qui est
inacceptable pour les constructeurs automobiles.
Quelles mesures faut-il prendre?
FEBIAC demande des données objectives sur les circonstances dans lesquelles
des collisions en chaîne ont eu lieu. Celles-ci doivent être rassemblées
à l’aide des constats de police, afin de pouvoir procéder
à une analyse approfondie des accidents.
Cette analyse doit faire ressortir le rôle du CC dans la survenance d’accidents
en chaîne et de leur gravité. Dans notre pays, les analyses d’accidents
relèvent encore davantage de l’exception que de la règle.
Aux Pays-Bas existe le conseil supérieur de la sécurité
du transport, qui a précisément pour mission d’étudier
des accidents graves se produisant fréquemment. Ceci nous paraît
être une tâche pour l’Institut Belge pour la Sécurité
Routière, qui pourrait fournir un trésor d’informations
pour une politique efficace de sécurité routière.
Un contrôle sérieux des temps
de conduite et de repos est pour FEBIAC tout aussi essentiel.
L’on peut confier à des chauffeurs exténués le véhicule
le plus sûr qui soit, ils restent un danger sur la route.
Vu que la majorité des accidents sont la conséquence d’une
erreur humaine, il faut mettre l’accent sur une formation
continue du chauffeur. Aujourd’hui, les véhicules
sont équipés de l’ABS, du cruise control, de systèmes
électroniques de stabilisation (ESP, de puissants ralentisseurs, etc.
Ces techniques étaient encore inconnues il y a vingt ans. Il est donc
nécessaire de recycler les chauffeurs en permanence afin qu’ils
apprennent à se servir correctement de ces systèmes de sécurité
et en connaissent les limites.
L’état technique
du véhicule est lui aussi très important. La Directive européenne
2000/30/CE oblige la Belgique d’effectuer régulièrement des
contrôles le long de la route et de vérifier si les organes de sécurité
des camions fonctionnent convenablement. Lors du contrôle technique périodique,
les freins semblent souvent poser problème. La sécurité commence
donc par un entretien régulier du véhicule.
Les camions sont à l’heure actuelle équipés de p
uissants
freins moteur et de ralentisseurs. La législation internationale
(UN/ECE R48) ne prévoit pas d’obligation de faire enclencher les
feux stop lors de l’activation de ces systèmes. Ce point mérite
d’être approfondi, car des conducteurs à l’arrière
risquent ainsi d’être surpris par le freinage d’un véhicule
qui les précéde. Enfin, l’
annonce
de travaux routiers et de files est très importante. Les
panneaux de signalisation électroniques restent une denrée rare
sur nos routes, tandis que les informations de radioguidage sont souvent trop
vagues ou trop tardives. L’on attend aussi toujours une fréquence
radio spécifique, émettant en permanence des informations concernant
le trafic. Sur nos routes, où circule un trafic international intense,
des messages d’avertissement devraient également être affichés
en anglais. L’on peut difficilement attendre d’un chauffeur d’Europe
de l’Est de maîtriser le français ou le néerlandais.
Il y a donc encore du travail en suffisance pour nos autorités fédérales
et régionales. La controverse à propos du CC ne peut empêcher
que rien ne se fasse sur d’autres plans.
Conclusion
FEBIAC estime qu’il est prématuré d’introduire
une proposition de loi interdisant l’utilisation du CC sur les véhicules
utilitaires. La motivation doit s’appuyer sur davantage qu’une appréhension
intuitive du problème. FEBIAC plaide par conséquent pour une analyse
approfondie des accidents, tant sur le lieu de l’accident que sur base
des rapports de police dressés lors de collisions en tête-à-queue.
Il faut aussi oser remettre en question la signalisation (unilingue) à
hauteur de travaux routiers. Sur base des constats de cette analyse, d’éventuelles
adaptations de la réglementation technique relative aux véhicules
pourront être proposées. Ceci ne peut toutefois se faire qu’au
sein de forums internationaux (UE, UN/ECE).