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SECURITE ROUTIERE : L’AFFAIRE DE TOUS !
Les médias nous confrontent quotidiennement à l’insécurité qui règne sur nos routes. Ainsi risque de se créer un effet d’accoutumance, comme si l’on ne pouvait pas trouver de solution au problème. Telle n’est pas et ne sera jamais l’attitude de l’industrie automobile. Les innombrables efforts fournis - souvent en silence - pour accroître la sécurité des voitures et des camions contrastent fortement avec la manière dont, à grand renfort de slogans, ce débat est souvent mené. Or, grâce à la sécurité accrue des nouvelles voitures, l’on constate une nette tendance à la baisse du nombre de victimes de la route, ceci malgré une forte augmentation du trafic. Cela ne veut pas dire pour autant que les différents acteurs concernés, c’est-à-dire l’industrie, les pouvoirs publics et les usagers de la route, peuvent désormais s’endormir sur leurs lauriers. L’industrie automobile poursuit la voie dans laquelle elle s’est engagée, mais la complexité du problème exige d’urgence la mise en œuvre par les autorités d’une politique de sécurité cohérente.
L'industrie automobile est sur la bonne voie
C'est dans le domaine de la sécurité active et passive que les voitures et
les camions ont au cours de ces 25 dernières années enregistré les progrès les
plus importants, parallèlement à la diminution drastique des émissions. En Allemagne,
95% des voitures neuves vendues sont aujourd'hui équipées d'un airbag conducteur,
ce qui était rarissime il y a une dizaine d'années encore. L'ABS s'est lui aussi
généralisé. Tous deux ne sont cependant pas obligatoires aux termes de la législation
européenne. Ceci infirme du même coup l'affirmation selon laquelle les constructeurs
automobiles ne fournissent des efforts que lorsque le législateur les y contraint.
Les airbags et l'ABS ne représentent que la partie visible de l'iceberg, qui
se compose de tout un éventail d'interventions subtiles, qui ont rendu les véhicules
plus sûrs non seulement pour les occupants mais aussi pour les usagers de la
route vulnérables.
Bien qu'il ne faille pas espérer de miracles à des vitesses élevées, il ressort
d'une étude française réalisée par l'INRETS (Institut National de Recherche
des Transports et leur Sécurité), que les voitures modernes, avec leurs formes
arrondies et leurs pare-chocs en plastique, provoquent nettement moins de lésions
graves en cas d'accidents avec des piétons. Les camions sont eux aussi conçus
pour empêcher qu'en cas de collision avec une voiture, celle-ci n'aille s'encastrer
sous le poids lourd. Ces diverses mesures sont incontestablement à la base de
la tendance à la baisse du nombre d'accidents et de victimes de la route, alors
que le besoin de mobilité ne fait que croître. Si l'on considère la période
1990-97, l'on voit que le nombre de tués par voiture-km* en Belgique a diminué
de 41% et le nombre de morts et de blessés graves par voiture-km de 50%, tandis
que le parc des véhicules à moteur a augmenté de 16% (voir graphique).
En attirant l'attention sur ces chiffres, FEBIAC ne veut en aucune manière
banaliser le problème, ainsi qu'il a été prétendu au cours du débat parlementaire
consacré à ce thème. Les constructeurs automobiles sont parfaitement conscients
que derrière la sécheresse de ces chiffres, se cache une souffrance humaine
extrême qui ne souffre ni légèreté ni indifférence. Ils montrent par contre
que la voie empruntée, celle d'une constante amélioration de la sécurité des
véhicules qui ne fera que s'accélérer grâce à l'introduction accrue de l'électronique,
est la seule bonne qui doit être maintenue sans faux triomphalisme. A ce propos,
l'on entend parfois la question de savoir pourquoi les voitures peuvent rouler
plus vite que la vitesse maximum autorisée. Indépendamment d'une harmonisation
européenne inexistante en la matière, un simple calcul nous apprend que la puissance
nécessaire à une voiture familiale chargée pour franchir une côte de 10% à une
vitesse de 90 km/h, permet aussi une vitesse de pointe de 175 km/h sur route
plate. En outre, une telle mesure n'offrirait pas non plus de solution au problème
des vitesses inadaptées dans les villes et sur les routes secondaires, qui font
de loin le plus grand nombre de victimes.
Les statistiques montrent que les erreurs humaines, favorisées ou non par une
infrastructure déficiente, sont dans la grosse majorité des cas à la base des
accidents. Bien que la technique soit devenue beaucoup plus indulgente pour
les fautes commises par le chauffeur, il faudra néanmoins prendre surtout des
mesures ayant trait à l'infrastructure, à la sensibilisation et fatalement aussi
à la répression afin de réduire davantage le nombre de victimes. Pour que ces
mesures soient efficaces, il convient avant tout de mettre en œuvre une politique
cohérente. Tout comme pour le problème de la mobilité, qui est du reste étroitement
associé au thème de la sécurité, force est de constater que les compétences
en la matière sont morcelées entre les autorités fédérales, régionales, locales
et provinciales et qu'au niveau fédéral, 3 ministres et 1 secrétaire d'Etat
sont en partie compétents. Ceci ne doit pas constituer en soi un obstacle insurmontable,
mais exige néanmoins des structures de concertation, qui le plus souvent - hélas
- font défaut.
Infrastructure
Il est clair que le transport de marchandises continuera à s'accroître et que
ni le rail ni la navigation intérieure ne peuvent offrir une solution alternative
valable. Ceux qui prétendent le contraire, se cachent la tête dans le sable
et font obstacle à une solution fondamentale des problèmes de mobilité et de
sécurité. En effet, 80% du transport de marchandises par camion s'effectuent
sur une distance de moins de 100 km et d'autre part, beaucoup de zonings industriels
ne sont pas accessibles autrement. Des moyens financiers doivent être d'urgence
libérés pour supprimer les points noirs, qui sont suffisamment connus. Là où
le besoin s'en fait sentir, un complément d'infrastructure ne doit pas constituer
un tabou. Les usagers de la route, qui alimentent chaque année les caisses de
l'Etat à raison de 330 milliards, ont droit à un réseau routier sûr, adapté
et bien entretenu. Les camions (ou les bus) et les cyclistes ne doivent pas
être séparés par une ligne blanche continue sur le revêtement routier, ainsi
que l'illustre de manière absurde le rond-point Schuman, sous le nez même des
institutions européennes. Etant donné que tous deux ont le droit d'utiliser
la voie publique, celle-ci doit être prévue en conséquence. Il existe pour les
noyaux urbains suffisamment de solutions créatives qui garantissent tant la
convivialité que l'activité économique.
Prévention et répression
Il a déjà été dit et répété à suffisance qu'il fallait avant tout opérer un
changement de mentalité chez les usagers de la route. L'individualisme croissant
dans notre société se manifeste aussi sur la route. Amener un revirement n'est
pas chose aisée. FEBIAC continue néanmoins à croire en cette approche et collabore
pour cette raison avec l'IBSR. Lorsque certains recommandent d'assurer aux campagnes
de sécurité routière un large substrat social, ils 'oublient' cependant la plupart
du temps d'y associer, outre les groupements de défense des usagers faibles
de la route, les automobilistes et les partenaires sociaux. Comment peut-on,
dans ces conditions, aboutir à un large consensus, si la majorité des intéressés
est tenue à l'écart du débat ?
Il est évident que la sensibilisation doit être complétée par une politique
de répression équilibrée. Une première exigence est une politique uniforme en
matière de poursuite et de classement. La directive du collège des procureurs
généraux, qui fixe des critères uniformes pour le retrait du permis de conduire,
est un premier pas dans la bonne direction, mais si l'on considère la répartition
géographique des radars automatiques, il est clair qu'il reste encore un long
chemin à parcourir.
Il faut en outre que reste garantie la sécurité juridique de l'individu. Il
est certes nécessaire de désengorger les tribunaux de police tout en assurant
une justice plus rapide. Mais si le constat de l'infraction, son sanctionnement
et la perception de l'amende devaient se faire à l'aide d'une machine, comme
certains le préconisent, notre société commencerait à prendre des allures Orwelliennes.
Un exemple est l'incohérence dans le domaine des limitations de vitesse. Celles-ci
doivent être appliquées avec circonspection, afin que leur présence soit perçue
comme judicieuse par la majorité des usagers de la route. La signalisation électronique,
qui permet de moduler la vitesse autorisée en fonction de la densité du trafic
et des conditions atmosphériques, a montré son efficacité en Allemagne et aux
Pays-Bas, tant en ce qui concerne la sécurité que la mobilité, alors que notre
pays accuse sur ce plan un retard plus que certain.
Boîte noire : non, merci
Des voix s'élèvent actuellement en faveur de l'obligation d'équiper chaque
voiture neuve d'une boîte noire qui enregistre la vitesse et le fonctionnement
des freins pendant l'infime fraction de temps qui précède un accident. Indépendamment
du fait que ce débat doit être mené au niveau européen, FEBIAC doute fortement
de l'efficacité de cet instrument pour favoriser la sécurité routière. Premièrement,
la 'black box' enregistre principalement la vitesse, et seulement dans une moindre
mesure d'autres facteurs de la conduite qui peuvent être à l'origine d'un accident.
Des manœuvres dangereuses telles que le franchissement de la ligne blanche continue,
le dépassement irresponsable, le non-respect d'un feu rouge, ... passent en
effet inaperçues. L'appareil n'enregistre pas non plus une collision avec des
piétons ou des cyclistes, parce que les ralentissements consécutifs à l'impact
sont trop légers. La boîte noire n'offre donc pas de garantie supplémentaire
de sécurité aux 'faibles' usagers de la route. Plus de la moitié des tués sont
le fait d'une perte de contrôle du volant. La boîte noire enregistrerait la
vitesse en tant que témoin imperturbable, mais ne ferait rien pour éviter l'accident
(sécurité active) ni pour en atténuer les conséquences (sécurité passive). Après
l'accident, on pourra donc constater que la vitesse maximum autorisée n'a peut-être
pas été dépassée, mais qu'en raison de l'inexpérience, de la consommation d'alcool,
de l'état du revêtement routier, des mauvaises conditions météorologiques, ...
le conducteur a malgré tout perdu le contrôle de son véhicule. Qu' apporte la
boîte noire en de pareilles circonstances ? Il y a fort à douter que la seule
présence d'un instrument électronique réfrène le comportement téméraire des
jeunes au volant. Tant qu'un accident ne se produit pas, la mémoire est en effet
continuellement effacée. Et quel jeune conducteur aurait cru qu'il allait cette
fatale nuit du samedi accomplir son dernier trajet ? Le nombre d'accidents pour
lesquels la boîte noire fournit des informations complémentaires et des pièces
à conviction, semble donc assez limité dans la pratique. L'influence sur la
sécurité semble encore plus restreinte. En outre, il est impossible d'équiper
d'un tel système des véhicules plus anciens dont l'électronique est assez sommaire.
Il y aura donc des véhicules avec et des véhicules sans black box qui circuleront
sur nos routes. Il ne fait aucun doute que ce seront surtout les 'moins bons
pères de famille' qui opteront pour ces derniers.
Concentrons-nous donc sur des initiatives qui sont réellement efficaces.
Les constructeurs automobiles sont prêts à assumer leurs responsabilités en
ce domaine. En ce qui concerne les infrastructures et la politique de répression,
les pouvoirs publics peuvent eux aussi prendre des mesures efficaces. Enfin,
last but not least, il est grand temps que chacun d'entre nous revoie sa mentalité
et prenne la route avec une plus grande conscience de ses responsabilités.