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LA PROPENSION A REGLEMENTER NUIT A LA COMPETITIVITE DE NOTRE INDUSTRIE AUTOMOBILE (NOVEMBRE 2004)

Chaque fois que pèse la menace de pertes d’emplois dans l’industrie automobile belge, nombre de responsables politiques prennent soudain conscience de l’importance économique du secteur. Ils concoctent des plans et jurent leurs grands dieux qu’ils vont tout faire pour améliorer la compétitivité de nos usines.

Les mesures proposées visent en premier lieu à améliorer le climat d’investissements et de production dans notre pays. A juste titre d’ailleurs. Cependant, la plupart des politiciens perdent de vue qu’un zèle excessif à vouloir réglementer influence très défavorablement la compétitivité des constructeurs automobiles européens. Tandis que d’un côté l’on apporte un soutien financier (plutôt modeste) aux constructeurs ”belges”, des représentants belges en Europe plaident souvent en faveur de réglementations très sévères en matière d’environnement et de sécurité, sans tenir compte de leurs conséquences économiques. Par ailleurs, notre pays est également champion sur le plan de l’introduction plus rapide ou plus sévère de Directives européennes. Tout ceci fait peser sur l’industrie automobile des coûts qui dépassent de très loin les mesures de soutien. Une telle attitude nuit bien évidemment à l’image de notre pays dans les quartiers généraux des constructeurs.

L’industrie automobile est d’une importance vitale pour la Belgique et l’Europe
En 2003, les usines d’assemblage et les sous-traitants occupaient 75.000 travailleurs et représentaient 14,5% de nos exportations. L’an dernier, 80.000 personnes ont gagné leur vie dans le secteur de la distribution et de la réparation de voitures et de pièces. La TVA sur la vente et la réparation de voitures a rapporté 3,3 milliards d’euros au Trésor. Est-il utile de souligner davantage l’importance de l’automobile pour notre pays?

Certains tirent de ces chiffres la conclusion que notre secteur a le dos large et qu’il peut supporter facilement les coûts d’investissement qui résultent des nouvelles réglementations. Ils perdent de vue qu’il règne dans le secteur une concurrence féroce et que les marges tant des constructeurs et sous-traitants, que du secteur de la distribution sont minimes voire inexistantes. Le secteur est en outre confronté à une série de défis majeurs: intégration de l’électronique et de la télématique afin de promouvoir la sécurité routière et la mobilité, réduction des émissions et de la consommation et enfin, tout aussi important, le passage de combustibles fossiles vers des sources d’énergie durable. Pour demeurer compétitifs, les constructeurs et leurs sous-traitants doivent générer suffisamment de moyens (lisez réaliser des profits) pour financer les investissements croissants dans la technologie, la recherche et le développement (R&D).

La soif, par trop ambitieuse, de réglementation européenne ne tient pas compte des exigences légales au Japon et aux USA, ce qui porte préjudice à la compétitivité des constructeurs européens. Elle absorbe une grande part des budgets de R&D, qui ne peuvent être rentabilisés sur les autres marchés et dévore les marges sur le marché européen dont l’importance est vitale. Cela risque en outre d’amener un retard dans d’autres domaines, davantage axés sur l’avenir. Des plans d’économies, qui font peser une menace sur l’emploi dans notre pays, surgissent avec une régularité d’horloge. De là l’énorme importance pour notre pays d’un débat approfondi sur l’influence de la réglementation sur la compétitivité de l’industrie automobile. La propension à réglementer nuit à la compétitivité de notre industrie automobile.

Une nouvelle réglementation coûte fort cher
L’industrie automobile est soumise à une bonne centaine de Directives et de règlements européens. La moitié d’entre eux sont des Directives d’homologation, qui sont en principe harmonisées au sein de l’UE, mais qui la plupart du temps ne tiennent pas compte de la législation sur d’autres marchés internationaux importants. Pour la transposition nationale de certaines Directives, principalement en matière d’environnement, les Etats membres disposent d’une grande flexibilité. L’harmonisation n’est donc qu’un vague concept. La Belgique a généralement l’habitude d’imposer des exigences plus sévères, anticipées, comme nous allons l’illustrer ci-après au moyen de quelques exemples frappants. Des mesures fiscales, qui diffèrent de pays à pays, contrecarrent l’harmonisation technique.

Il arrive parfois aussi que des Directives visent des objectifs qui ne sont pas cohérent, l’un rendant difficile le respect de l’autre. Lorsqu'une nouvelle réglementation est proposée, les remarques de l’industrie sont souvent ignorées et il est trop peu tenu compte des conséquences économiques, pourtant un des trois piliers du développement durable. Des délais d’introduction trop courts peuvent peser très lourd financièrement. Les investissements existants doivent pour cette raison être amortis de manière accélérée et les coûts de développement augmentent de manière faramineuse.

Il existe suffisamment d’exemples qui illustrent ce qui précède.

Mesures fiscales en faveur de voitures à faibles émissions de CO2
Le gouvernement fédéral octroiera, à partir de 2005, un avantage fiscal aux acheteurs de voitures rejetant moins de 105g de CO2/km et 115g de CO2/km. Les limites proposées ne correspondent pas aux classes d’énergie telles que définies dans l’Arrêté Royal du 5 septembre 2001, ce qui rend difficile la communication à l’égard du grand public. En outre, elles n’ont aucun rapport avec la politique européenne en matière de CO2, qui fixe les valeurs limites à 120g de CO2/km et 140g de CO2/km. Le gouvernement fédéral contrecarre ainsi la politique des constructeurs en matière de modèles, laquelle repose évidemment sur les valeurs européennes.

Recyclage de véhicules hors d’usage
Les trois régions instaurent l’obligation de reprise gratuite des véhicules hors d’usage à partir du 1er janvier 2006 alors que la Directive européenne 2000/53/CE fait état du 1er janvier 2007. Pourtant, le problème des véhicules abandonnées n’existe pas dans notre pays et il n’y a donc pas de raison objective d’anticiper cette mesure. En limitant la valorisation énergétique des épaves, le législateur a exclu l’utilisation de matériaux composites (qui ne sont pas recyclables). Les matériaux composites sont légers et donc très intéressants pour diminuer le poids et donc aussi la consommation et les émissions de CO2. Ceci montre comment une législation environnementale peut en contrecarrer une autre.

Diminution de la consommation et des émissions de CO2
Les constructeurs automobiles se sont volontairement engagés vis-à-vis de la Commission européenne à réduire la moyenne des émissions de CO2 à 140 g/km en 2008/9. Selon une étude réalisée par Arthur D. Little pour le compte de l’ACEA, ceci fera augmenter le prix d’une voiture moyenne de 400 euros. Certains sont partisans d’un renforcement de l’objectif jusqu’à 120 g/km en 2012. Vu que tous les moyens classiques d’économiser du carburant seront déjà utilisés durant la première phase (jusqu’en 2008/9), cet objectif ne pourra être atteint que par des moyens technologiques sophistiqués, comme par exemple l’hybridation (combinaison d’un moteur à combustion et d’un moteur électrique). Ceci entraînera une forte augmentation de prix qu’ADL chiffre à 4.000 euros par voiture.

Ce coût n’est pas proportionnel aux avantages écologiques et il faut s’attendre à ce que le consommateur ne soit pas disposé à en payer le prix. Cette économie supplémentaire ne donnera pas lieu à un avantage compétitif sur le marché nord-américain, tandis que le handicap des coûts refoulera les constructeurs européens de ce marché très important. Il serait donc utile de chercher des mesures ayant un même effet environnemental mais coûtant nettement moins à notre société.

‘’La Belgique a l’habitude d’imposer de manière anticipée des exigences plus sévères. Ceci nuit à l’image de notre pays et à la compétitivité de nos entreprises.’’

Interdiction d’utiliser des gaz fluorés dans les systèmes de conditionnement d’air mobiles
Le Conseil étudie actuellement un projet de Directive qui vise à interdire l’utilisation de gaz fluorés dans les systèmes de conditionnement d’air des voitures. L’industrie automobile approuve une telle interdiction étant donné que ces gaz contribuent à l’effet de serre, mais demande suffisamment de temps pour développer de nouveaux systèmes. Le secteur sollicite un report à 2012. Ce qui n’est certainement pas exagéré, compte tenu du fait que ces nouveaux systèmes sont encore au stade expérimental et du temps de développement d’un nouveau modèle de voiture qui est d’environ 4 ans. La plupart des pays européens ayant une industrie automobile importante l’ont compris et soutiennent notre demande. Ceci contrairement à la délégation belge qui plaide pour une interdiction à partir de 2009, autrement dit une anticipation de 3 (!) ans. FEBIAC ne comprend pas cette attitude et la juge inacceptable.

Norme Euro V pour les voitures diesel
La Commission travaille à l’élaboration d’une proposition de nouvelles limites pour les rejets de gaz nocifs par les voitures diesel, plus précisément les particules de suie et les oxydes d’azote (NOx). Il faut s’attendre à ce que ces nouvelles exigences soient surtout défavorables aux petites voitures diesel; un segment dans lequel les constructeurs européens sont actuellement très forts. Ces voitures sont aussi très économiques et donc importantes dans la lutte contre l’effet de serre. Ce serait donc faire preuve d’un manque de vision que de les bannir du marché, l’important étant de proposer des limites réalistes.

Protection des piétons
La Directive 2003/102/CE fixe les exigences auxquelles l’avant des voitures doit satisfaire pour mieux protéger les piétons en cas de collision. Ces exigences sont scindées en deux phases, qui deviendront obligatoires en 2005 et 2010. La seconde phase fait encore l’objet d’une analyse de faisabilité. Le Japon et les USA élaborent aussi une nouvelle législation dans ce domaine. Vu la complexité technique et les coûts qui s’y rattachent, l’industrie automobile plaide pour une approche harmonisée au niveau mondial. Il convient aussi de souligner qu’un avant mieux protégé a des effets négatifs sur l’aérodynamisme des voitures et donnera donc lieu à une consommation accrue.

Protection des organes et pièces de rechange d’origine
La Commission a introduit une proposition visant à supprimer la protection sur le design original des pièces visibles (éléments de la carrosserie). Ceci signifierait que des pièces de contrefaçon bon marché, fabriquées en dehors de l’UE, pourraient facilement débarquer sur le marché européen. Ceci porterait un coup au commerce de pièces de rechange d’origine qui sont d’une importance vitale pour les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants. Il y a en outre fort à douter que ces pièces de contrefaçon soient tout aussi efficaces sur le plan de la sécurité (essais de collision), de la protection des piétons, de la législation chimique ou de la recyclabilité. FEBIAC s’oppose par conséquent à un assouplissement de la Directive actuelle 98/71/CE.

Miroirs pour poids lourds
Une fois encore un bel exemple de l’anticipation d’une Directive européenne par le législateur belge. Alors qu’en Europe les discussions concernant une nouvelle Directive sur les miroirs battent leur plein, le précédent gouvernement fédéral décide de rendre obligatoire ces exigences (toujours en projet) à partir de 2004 pour les nouveaux types et à partir de 2005 pour tous les nouveaux camions de plus de 7,5 tonnes. La suite est connue. Pas un seul fabricant n’a produit de miroir destiné au seul marché belge. L’AR en question paraissant donc impossible à mettre en oeuvre, il a fallu l’adapter en employant les grands moyens. Le problème des accidents provoqués par l’angle mort n’est pas encore résolu pour autant.

FEBIAC tient à préciser que les constructeurs automobiles ne remettent pas en question les objectifs visés par ladite réglementation, bien au contraire. Mais les législateurs européens, fédéraux et régionaux perdent souvent de vue les conséquences économiques, tiennent insuffisamment compte des influences réciproques des Directives et attachent trop peu d’attention à ce qui se passe dans le monde et à l’étranger.

Le coût lié aux dossiers évoqués est estimé à €5.000 par voiture, ce qui est loin d’être négligeable. Ceci ne manquera pas d’avoir un impact sur la compétitivité de l’industrie automobile européenne.

Nouvelle législation: le code de bonne pratique
L’industrie automobile a besoin d’un cadre législatif prévisible et stable, afin de pouvoir planifier à long terme sa stratégie, ses investissements et ses innovations au niveau des produits. Les objectifs visés par les pouvoirs publics peuvent ainsi être atteints de manière financièrement efficace et sans nuire à la compétitivité des constructeurs eux-mêmes. La manière dont une nouvelle législation voit le jour est donc cruciale. FEBIAC demande par conséquent que soient observées les règles de bonne pratique énoncées ci-dessous:

1. Vision politique claire à long terme, fixant des priorités bien circonscrites. Les constructeurs peuvent ainsi y adapter leur stratégie.

2. Harmonisation maximale (tant en ce qui concerne les exigences que le timing) de la législation belge avec la réglementation européenne et de la législation européenne avec la législation mondiale. Une harmonisation européenne de la fiscalité automobile s’impose également.

3. Effectuer une analyse coûts-bénéfices de chaque nouvelle proposition, qui étudie en détail les conséquences économiques pour l’industrie automobile. Il convient, à cet égard, de tenir compte de l’impact réciproque des différentes Directives.

4. Imposer des délais réalistes, de manière à ce que les constructeurs disposent de suffisamment de temps pour introduire de nouvelles solutions technologiques et puissent amortir le coût d’investissement sur une période suffisamment longue.

5. Consultation des experts de l’industrie automobile dès le début du processus législatif. Ce dialogue ne peut évidemment pas demeurer sans résultat.

6. Plus de flexibilité pour les constructeurs dans la manière dont les objectifs sont atteints. Actuellement, les autorités veulent encore trop dicter la manière dont les objectifs doivent être atteints.

7. Recourir davantage à des accords volontaires avec le secteur, ce qui évite les procédures bureaucratiques.

Les constructeurs automobiles souscrivent, par la voix de FEBIAC, aux objectifs que se fixent les différentes autorités en vue d’améliorer l’environnement, la sécurité routière et la mobilité. La manière dont ces objectifs sont transposés en règlements est toutefois d’une importance cruciale. Le législateur attache trop peu d’importance à l’harmonisation des différentes règles, à leurs influences réciproques défavorables et au coût économique pour l’industrie automobile. Le secteur se voit souvent accorder trop peu de temps pour introduire de nouvelles technologies. Les voitures neuves risquent ainsi de devenir inutilement chères. Cela ne fera que ralentir l’introduction des nouvelles technologies et donc aussi la réalisation des objectifs visés. La compétitivité de notre industrie automobile risque en outre d’être menacée. C’est la raison pour laquelle FEBIAC invite tous les politiciens et fonctionnaires concernés à nouer le dialogue avec le secteur lors de l’élaboration de nouvelles législations et à suivre le code de bonne pratique précité.

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