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DES PICS D'OZONE VERS UNE POLITIQUE D'OZONE (12/2003)

'C'est presque devenu une habitude: dès les premiers jours de chaleur, nous avons droit à des déclarations ministérielles qui veulent soi-disant mettre un terme aux pics d'ozone.' C'est par cette phrase que commence un article d'opinion paru dans le Financieel Economische Tijd du 12.6.1996, rédigé par le conseiller technique de FEBIAC de l'époque. En l'espace de 7 ans, peu de choses ont apparemment changé car cette année aussi l'été a été particulièrement chaud, de sorte que le seuil d'avertissement de 180mg/m³ a été dépassé 20 fois. Des experts et des collaborateurs des cabinets fédéraux et régionaux concernés ont multiplié les réunions et ont finalement décidé qu'un nouveau plan fédéral ozone devait être prêt pour la fin de l'année. FEBIAC suit de près les travaux préliminaires et insiste pour que l'on prenne des mesures qui tiennent la route. Le plan ozone ne peut en aucun cas servir d'alibi pour mettre le trafic routier à l'arrêt.

Un phénomène complexe

L'ozone est généré par l'action de la lumière solaire sur un cocktail composé notamment d'oxydes d'azote (NOx) et de substances organiques volatiles (SOV).
Les réactions chimiques sont très complexes, ce qui rend difficile la prise de mesures efficaces. Ainsi, l'oxyde d'azote (NO) dégagé par les pots d'échappement des voitures décompose l'ozone en oxygène et en dioxyde d'azote (NO2). La présence de dioxyde d'azote dans l'air favorise à son tour la formation d'ozone.

Pour pouvoir prendre des mesures efficaces, il faut en premier lieu savoir quelles sont les principales sources des précurseurs d'ozone (NOx et SOV). Elles résultent partiellement des activités humaines et naissent de la combustion de combustibles fossiles (trafic, industrie, centrales électriques, chauffage domestique, etc.), de l'utilisation de solvants, du raffinage de produits pétroliers, etc. Le trafic est responsable de près de la moitié de la production humaine de précurseurs d'ozone (1). A côté de cela, il existe aussi des sources naturelles pour ces substances. Surtout pendant les journées chaudes et ensoleillées, les émissions de SOV par les forêts et les plantations en zone rurale peuvent atteindre des concentrations élevées et contribuer dans une forte mesure à la formation d'ozone (2). L'on estime que dans l'UE, 50% des SOV et 17% des NOx sont d'origine biogène (3). D'éventuelles mesures n'auront bien entendu aucun impact sur cette situation. Il est important de souligner que la pollution par l'ozone ne s'arrête pas aux frontières nationales. Ainsi, environ 2/3 de la pollution est entraînée par le vent dans les pays voisins. Ceci contrairement à certaines villes du sud de l'Europe (par exemple Athènes), où la proximité de la Mer Méditerranée et le relief créent un micro-climat. Dans ces contrées, la pollution par l'ozone est essentiellement due à la pollution locale. En Belgique, on ne peut donc pas résoudre le problème sur le plan national. Une concertation internationale est donc une condition absolue pour enregistrer des résultats positifs. Même si l'on connaît les sources des précurseurs d'ozone, encore faut-il savoir de combien réduire les émissions pour faire baisser les concentrations d'ozone en-dessous des valeurs indicatives fixées par l'Organisation Mondiale de la santé et par la Directive européenne 92/72/CEE (4). Avec les concentrations actuelles de NOx et de SOV, des diminutions réduites (10 – 30%) de la production humaine font augmenter les concentrations d'ozone (5). Ceci vaut principalement pour le NOx, parce que l'oxyde d'azote –comme il a été dit– décompose l'ozone. Ce qui explique pourquoi dans des villes à forte densité de trafic, les pics d'ozone sont moins élevés qu'en zone rurale. Et aussi pourquoi les concentrations durant le week-end, alors qu'il n'y a que relativement peu de circulation, sont plus élevées que durant des jours de semaine comparables. Une réduction des émissions de SOV est cependant très positive. Pour pouvoir satisfaire à la Directive européenne, la production humaine de NOx et de SOV doit diminuer de 60 à 80% (6). Ceci montre que nous devrons vivre encore un certain temps avec les pics d'ozone qui reviennent chaque année. Ce message devrait donc être communiqué de manière claire et nette à la population, afin de ne pas créer de vaines illusions.

Cela signifie-t-il qu'il n'y a pas de mesures sensées à imaginer? Bien au contraire, mais cela montre bien que les propositions doivent répondre aux critères suivants:

- coordonnées sur une grande échelle (entendez par là internationale);
- axées sur une réduction continue et substantielle des émissions des précurseurs d'ozone durant toute l'année;
- donner priorité à la réduction des émissions de SOV.

Quelles sont les mesures à ne surtout pas prendre?

Vu ce qui précède, il est évident que restreindre le trafic dans les grandes villes ou même sur l'ensemble du territoire belge durant les périodes 'd'alarme à l'ozone' n'a pas de sens. Autoriser la circulation en alternant les voitures en fonction des numéros de plaques pairs et impairs, est pour FEBIAC inacceptable, indépendamment des doutes quant aux possibilités de contrôle d'une telle mesure. Le fiasco de mesures à petite échelle est confirmé par 'l'expérience de Heilbronn'. Dans cette petite ville allemande, durant 4 jours de l'été 1994 et sur une superficie de 20 km (2), les émissions de NOx et de SOV du trafic ont été réduites de 40%, la réduction totale des émissions (y compris celles de l'industrie) ayant été de 20%. Les pics d'ozone mesurés sont restés inchangés et ont parfois même augmenté, ce qui a été également confirmé par des simulations sur ordinateur. La conclusion générale a donc été que les mesures étaient inefficaces en raison de leur petitesse d'échelle.

Les limitations de vitesse n'ont pas non plus beaucoup de sens. Des études et des simulations menées par le VITO (Vlaamse Instelling voor Technologisch Onderzoek) montrent qu'un abaissement de 120 à 90 km/h de la vitesse maximum durant toute l'année, réduit les émissions de NOx de 6% et celles de SOV de 3%. Une diminution de la vitesse dans les villes de 50 à 30 km/h procure un gain plus minime encore. Ces baisses extrêmement limitées n'ont aucun effet sur les concentrations d'ozone. Il est intéressant de noter que la même étude aboutit à la conclusion que si chacun évitait de démarrer ou de freiner trop brusquement, les réductions des émissions seraient de l'ordre de 20-25% (7). Ce n'est donc pas tant la vitesse maximum qui joue un rôle, mais plutot la manière de conduire.

Quelles mesures adopter?

FEBIAC est un fervent partisan d'une mobilité durable. Cela requiert une approche multiple (8) et l'effet ne se fera pas ressentir à court terme. Soyons donc clairs: les pics d'ozone ne peuvent constituer un alibi pour un petit jeu politique consistant à empoisonner la vie de l'automobiliste ou du transporteur routier. Nous ne pouvons échapper au constat que la voiture est pour beaucoup de gens une nécessité pour leur mobilité quotidienne, tout comme la plupart des entreprises ont besoin de camions pour assurer leur logistique. Nous soutenons bien sûr les campagnes qui sensibilisent les conducteurs à utiliser leur voiture de manière rationnelle et qui les incitent à adopter un style de conduite écologique et sûr. Mais les concepteurs de telles campagnes devraient s'abstenir de sans cesse montrer du doigt les automobilistes de manière simpliste, comme si ceux-ci étaient de petits enfants ou des individus manquant du plus élémentaire sens civique. Pour s'attaquer au problème de la pollution de l'air par le trafic routier, l'Union européenne a imposé des normes sévères aux constructeurs de voitures. Celles-ci font qu'une voiture répondant à la norme Euro 4 (obligatoire à partir de 2005) ne rejette plus que 5 à 10% de NOx et de SOV en comparaison avec un modèle d'il y a 10 ans qui ne répond pas à la norme Euro 1. Du fait de l'introduction progressive de voitures neuves dans le parc, les émissions totales de NOx du trafic routier diminueront de 55% entre 2000 et 2010, et celles de SOV de 72% (9), malgré l'accroissement de la densité du trafic (voir graphique 1). La question est de savoir si nous voulons attendre aussi longtemps et ce que nous pouvons faire pour accélerer ce processus. Au 1er janvier 2003, 25% des voitures dans notre pays ne répondaient pas à la norme Euro 1, dont 18,2% de voitures à essence non équipées d'un catalyseur.

Graphique 1: Evolution des emissions par le trafic routier en Belgique

Celles-ci sont responsables de plus de 70% des émissions totales de SOV (10). Les chiffres précités ne sont pas purement théoriques et la preuve en est donnée par une étude commune réalisée par le GOCA et FEBIAC. La valeur CO de 966 voitures à essence a été relevée lors du contrôle technique annuel. Ces voitures ont été réparties en 5 catégories d'âge, correspondant aux différentes étapes dans la législation sur les émissions. La valeur CO est intéressante car plus les émissions de CO sont élevées, plus une voiture à essence rejette des SOV.

Graphique 2: CO (%vol) en fonction de l'âge

Même si ce test est très rudimentaire et n'est effectué qu'au régime ralenti, la valeur CO² fournit cependant une indication intéressante de la contribution de la voiture à la formation d'ozone. Le graphique 2 montre très clairement que la valeur CO² augmente fortement avec l'âge du véhicule. Les voitures Euro 1 (1993-1996) rejettent près du double des voitures Euro 2 (1997-99). Pour les voitures datant de la période 1989-93, cette valeur est 6 fois supérieure et pour les véhicules de plus de 15 ans, les rejets sont multipliés par 10.

Si l'on veut enregistrer des résultats à brève échéance, il faut en premier lieu restreindre les émissions de SOV. Une politique efficace doit pour cela décourager l'utilisation de voitures Euro 0. C'est la raison pour laquelle FEBIAC réitère son plaidoyer en faveur d'une réforme de la fiscalité automobile, en l'occurrence la suppression de la TMC et la révision de la taxe de circulation annuelle. La TMC constitue en effet un frein à l'achat d'une voiture neuve et propre, étant donné qu'elle diminue à mesure que le véhicule (d'occasion) vieillit. Le montant de la taxe de circulation annuelle devrait dépendre des émissions du véhicule, tout comme en Allemagne par exemple. Plus les émissions sont polluantes, plus la taxe de circulation est élevée. De telles mesures améliorent en effet la qualité de l'air tout au long de l'année.

(1) IRCEL – chiffres pour la Belgique – NOx: 53% et SOV: 44% - 1996
(2) JP. van Ypersele (UCL) – L'ozone dans la troposphère: recherche, intégration et politique – 26.6.98
(3) VDA – Ozon & Straße – Avril 98
(4) Concentration moyenne d ’ozone sur 8h <110 mg/m³, sur 1h <180 mg/m³
(5) C. Mensink (VITO) – Invloed van Europese maatregelen voor emissiereducties – 24.6.97
(6) Idem
(7) I. De Vliegher (VITO) Interessante emissiereducerende maatregelen bij het verkeer – 24.6.97
(8) Entre autres Mobilité durable dans la pratique – janvier 2002
(9) J. Borken et al.(IFEU) – Energy consumption and pollutant emissions from road transport in Belgium, 1980 to 2020 – janvier 2000
( 10) idem

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