La situation aujourd’hui |
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La Directive européenne 98/70/CE réglemente la composition
des carburants endus à la pompe dans l’ensemble de l’UE.
La teneur maximale en soufre autorisée est l’un des
paramètres.
L’essence peut contenir maximum 150 ppm (parts par million
ou mg par kg), pour le diesel le seuil est de 350 ppm. En 2005 ce
seuil sera réduit à maximum 50 ppm pour les deux carburants.
De contrôles effectués à la demande du Ministère
des Affaires économiques, il ressort que la limite légale
est respectée. Pour les essences (Eurosuper, Super avec substitut
au plomb), la teneur en soufre moyenne varie de 75 à 90 ppm,
pour le diesel ce chiffre s’établit à 294 ppm
(1).
D’un point de vue environnemental, les valeurs enregistrées
sont encore beaucoup trop élevées.
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Ces chiffres montrent l’utilité de mesures fiscales
d'encouragement afin de stimuler la commercialisation de carburants
contenant moins de 50 ppm de soufre. A terme, il faut même
viser une teneur maximale en soufre de 10 ppm.
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Pourquoi la teneur en soufre doit-elle diminuer
de manière drastique?
1. Moins d’émissions par le parc automobile
existant
Le soufre est un composant naturel du pétrole brut. Il doit être
éliminé durant le processus de raffinage, afin que les essences
et le diesel répondent à la norme légale. Le soufre
possède en effet la propriété de se combiner à
l’oxygène pendant le processus de combustion dans le moteur.
Ceci génère du dioxyde de soufre (SO2), un gaz nocif, en
partie à la base du 'smog' et des pluies acides. Si l'on
réduit la teneur en soufre, les émissions de SO2 diminuent
du double. L’exemple chiffré ci-après en donne une
parfaite illustration. Le trafic routier a produit en 2000 environ 3,4
tonnes de SO2. Si tous les carburants endus avaient été
à faible teneur en soufre (moins de 50 ppm), il y aurait eu seulement
0,75 ktonne de rejets. Soit une économie d’au
moins 2,6 ktonnes de SO2! Le soufre a en outre une influence défavorable
sur le fonctionnement des catalyseurs dont sont équipées
les voitures les plus récentes. Sur les voitures diesel, équipées
d’un catalyseur d’oxydation, ceci donne lieu à la formation
de sulfates, ce qui dans la pratique se traduit par des rejets
accrus de particules. La température à partir de laquelle
le catalyseur d’oxydation commence effectivement à fonctionner
augmentera elle aussi. Ce qui est surtout nocif lors de courts trajets
urbains. Les voitures à essence sont depuis le début des
années ’90 équipées d’un catalyseur réglé
à trois voies qui contient des métaux précieux. Ceux-ci
sont particulièrement sensibles au soufre. Des tests intensifs
menés aux Etats-Unis ont ainsi démontré qu’une
diminution de la teneur en soufre de 100 à 30 ppm, réduisait
les émissions nocives de 15 à 30% (2)
Le processus de vieillissement du catalyseur est plus rapide lorsque l’essence
contient plus de soufre.
2. Introduction de voitures économiques et propres
Au cours des prochaines années, l’industrie automobile devra faire
face à un énorme défi. Elle devra faire en sorte que toutes
les voitures deviennent à la fois économiques et propres. C'est
en effet ce que prévoit l’accord avec la Commission européenne
consistant en une réduction de 25% de la consommation entre 1995 et 2008/9.
A partir de 2005, la norme Euro 4, qui réduit de moitié les normes
d’émission actuellement permises, deviendra obligatoire. Pour réduire
la consommation des voitures, les constructeurs tablent surtout sur la technologie
de l’injection directe de carburant, tant pour les moteurs à essence
que diesel.
Malheureusement, ces moteurs produisent trop d’oxydes d’azote,
et dans le cas des moteurs diesel également trop de particules,
pour pouvoir satisfaire à la norme Euro 4. Des catalyseurs et des
filtres à particules sophistiqués peuvent offrir une solution
... mais ils sont extrêmement sensibles au soufre. Certains constructeurs
ont déjà annoncé que d’ici quelques années
tous leurs modèles à essence seraient équipés
de moteurs à injection directe (GDI: Gasoline Direction Injection).
Ils consomment en effet 10-15% de moins que les moteurs à essence
classiques. Ceci représente une donnée importante en vue
du respect de l’accord de Kyoto. Ils offrent cependant l’inconvénient
de produire trop d’oxydes d'azote (NOx), sans que le catalyseur à
trois voies réglé puisse ici offrir une solution. Il faudra
dès lors utiliser les catalyseurs à adsorption de NOx. L’oxyde
de soufre a tendance à se fixer également sur le catalyseur
et à diminuer ainsi rapidement la capacité de stockage disponible
pour l’oxyde d’azote. Le catalyseur est pour ainsi dire 'empoisonné'.
En fonction de la teneur en soufre, son efficacité peut diminuer
de moitié après 5000 km. Il n’y a donc pas lieu de
s’étonner si les constructeurs qui disposent de cette technologie,
hésitent à la commercialiser sur le marché belge
tant que le carburant nécessaire n’est pas disponible. Les
filtres à particules peuvent réduire de 90% les émissions
de particules, remédiant de la sorte au principal inconvénient
des moteurs diesel. Ici aussi le soufre vient 'tout gâcher'
puisqu’il empêche le bon fonctionnement des filtres à
particules. Ce sont surtout les filtres qui brûlent des particules
en continu – Continuously Regenerating Trap (CRT ™) – qui
nécessitent un diesel à faible teneur en soufre.
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Plus vite nous disposerons en Belgique d’essence
et de diesel à faible teneur en soufre et même sans soufre,
plus vite nous verrons apparaître sur nos routes des modèles
consommant peu et émettant peu.
Quid du bilan global CO2?
La production de carburant à faible teneur en soufre (max
10 ppm) exige une désulfurisation importante durant le raffinage.
Ceci coûte de l’énergie et s’accompagne d’émissions
supplémentaires de CO2. Cette augmentation dépend
de la technologie utilisée de sorte que les chiffres qui
circulent sont assez divergents. Deutsche Shell déclare que
22kg supplémentaires de CO2 seront dégagés
à la production d’une tonne de carburant (3),
alors que dans une étude récente réalisée
à la demande de la Conférence Européenne des
Ministres des Transports (CEMT), il est question d’une fourchette
de 0,5 à 78 kg (4). L’existence
d’un bilan positif dépend de la pénétration
sur le marché de modèles consommant peu évoqués
au paragraphe précédent. Dans son rapport final, le
groupe de travail transport de l’ECCP (European Climate Change
Programme) conclut qu’à terme, la réduction supplémentaire
des émissions de CO2 par le trafic compensera largement l’augmentation
due au raffinage. Ceci donnera lieu à des réductions
annuelles de l’ordre de 0,8 à 1,5 million de tonnes
de CO2 (5).
Même si l’on considère
l’augmentation des émissions de CO2 par les raffineries,
l’introduction de carburants à faible teneur en soufre
demeurera positive pour le bilan CO2 global.
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3. Un pas vers
la pile à combustible |
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La voiture du futur sera probablement équipée d’une
pile à combustible. L’hydrogène servira de source
d’énergie. Il reste cependant encore de nombreux problèmes
techniques et économiques à résoudre. Par exemple:
les coûts de construction d’un réseau de distribution
d’hydrogène seront gigantesques. C’est la raison
pour laquelle certains constructeurs développent des véhicules
équipés d’une pile à combustible pouvant
faire le plein d’essence plutôt que d’hydrogène.
A bord, l’essence est convertie en hydrogène.
Ceci provoque certes encore des dégagements de CO2, mais
permet cependant au consommateur de se familiariser avec la nouvelle
technologie. Ainsi le pas à franchir vers la pile à
combustible est nettement plus petit.
Malheureusement, les catalyseurs utilisés pour la transformation
chimique de l’essence en hydrogène sont eux aussi particulièrement
sensibles au soufre.
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L’on peut donc affirmer sans hésitation
que la disponibilité d’essence à faible teneur
en soufre favorise la commercialisation de voitures équipées
d’une pile à combustible!
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Aspects économiques et fiscaux
Coût de l'adaptation des carburants aux normes applicables
en 2005.
CONCAWE 6 a utilisé un modèle détaillé pour
estimer ce que coûtera aux raffineries d'Europe occidentale la production
d'essence et de diesel conformes à la norme européenne de
2005 (50 ppm) pour remplacer les carburants répondant aux spécifications
de la norme 2000 (150 ppm pour l'essence et 350 ppm pour le diesel). L'organisation
a inclus dans ses calculs les dépenses entraînées
par l'adaptation de la teneur de l'essence en aromatiques aux normes de
2005. CONCAWE estime la valeur nette actuelle du coût de l'opération
à 6,5 milliards d'euros (dont 3,5 uniquement pour le soufre) pour
l'essence et à 3 milliards d'Euros (entièrement imputable
au soufre) pour le diesel.
Les coûts varient considérablement selon les raffineries.
La Commission européenne a demandé à Purvin & Gertz
d'étudier l'impact des carburants désulfurés sur les raffineries
européennes. Ils ont estimé que la désulfurisation ajoutait
de 0,001 à 0,003 euro au coût d'un litre d'essence et de 0,003
à 0,009 euro à celui d'un litre de diesel. La variance des estimations
résulte des hypothèses émises en matière de rythme
d'amélioration des techniques de raffinage.
Promotion des carburants à 50 ppm de soufre.
Plusieurs pays (voir tableau) ont pris ou envisagent
de prendre des mesures d'ordre fiscal pour promouvoir les carburants à
basse teneur en soufre.
Des baisses d'accises de 0,015 à 0,045 euro par litre suffisent pour
couvrir ce qu'il en coûte aux raffineries pour satisfaire à la
norme des 50 ppm. Ils pourraient en revanche ne pas suffire pour le ramener
à un niveau inférieur à celui des carburants ordinaires
là où les deux types de carburant sont offerts à la pompe.
En fait, l'importance des allègements fiscaux nécessaires pour
promouvoir les carburants à basse teneur en soufre varie d'un pays à
l'autre en fonction des coûts, coûts qui s'avèrent plus élevés
pour les raffineries situées dans le bassin méditerranéen.
Et la Belgique?
La volonté du gouvernement d'introduire sur le marché des carburants
à faible teneur en soufre, s'est matérialisé par
la parution d'un Arrêté Royal le 29 octobre dernier. L’encouragement
envisagé est de l’ordre de 0,016 euro/litre. En supposant
que tous les carburants essence et diesel actuels soient remplacés
par du carburant à basse teneur en soufre – ce qui ne sera
assurément pas le cas dans un premier temps - soit 9,1 milliards
de litres (chiffres de consommation 2000), le coût total serait
donc de 146,6 millions d'euros. Cependant, il semble que l'incitation
fiscale qui devait accompagner cette introduction pose quelques problèmes
d'ordre budgétaire.
Un rapide calcul nous porte à croire que les recettes TVA supplémentaires
engrangées par la flambée des prix pétroliers au cours
de l'année 2000 pourraient largement financer cet encouragement fiscal.
A fortiori, si ces carburants ne représentent qu’une part réduite
de l’offre totale. Si l'on considère une croissance moyenne des
prix de l'ordre de 2,7% pour l'essence et de 1,9% pour le diesel (croissance
moyenne enregistrée au cours des années 1991 à 2000), les
recettes de la TVA afférantes sur les carburants en 2000 se seraient
élevées à 1,2 milliards d'euros. Or, la croissance des
prix au cours de l ’année 2000 a été en moyenne de
16,5% pour les essences et de 23,6% pour le diesel. L'envolée des prix
a ainsi permis de faire rentrer dans les caisses de l'Etat quelque 218 millions
d'euros supplémentaires. Nettement suffisant pour envisager un incitant
pour les carburants à faible teneur en soufre, n'est-il pas?
Une introduction rapide de mesures de soutien fiscal
pour le diesel et l'essence à faible teneur en soufre est nécessaire
du point de vue environnemental. Des carburants à faible teneur
en soufre font sensiblement diminuer les émissions du parc automobile
existant et sont une condition nécessaire à l'introduction
d'une nouvelle génération de pots catalytiques et de filtres
à particules sur notre marché belge. Les avantages sont
donc évidents et le prix plutôt réduit. Il revient
donc au gouvernement fédéral d'en tenir compte!
(1) Fonds pour l'Analyse des produits pétroliers:
rapport d'activité de l'exercice 200
(2) ACEA - data of the sulphur effect on advanced
emission control technologies - 07.00
(3) W. Warnecke et al - Anforderungen an Betriebstoffe
fûr Otto-Direkteinspritzmotoren - Wiener Motorensymposium 05.00
(4) CEMT/CM (2001) 11/FINAL - 19.06.01
(5) ECCP/Working Group Transport - Final Report -
02.05.01
Nadine ATANASSOFF
Conseiller Voitures etEtudes économiques
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ir. Michel PEELMAN
Directeur Services d'Etudes & de Promotion
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